Je ne suis pas une vache à lait

Personnellement, je fais partie du petit pourcentage qui considère que les avertisseurs de radars ne sont pas des aides à la conduite mais des aides à bourrer sans assumer sur la route… Quant au démontage des panneaux prévenant des radars fixes, ça ne m’empêchera pas de dormir.

Il y a une part de naïf en moi qui pense que si les gens ne sont plus capables de déterminer dans quel intervalle de 10 secondes ils vont devoir freiner, respecter la limitation de vitesse pendant deux cent mètres et réaccélérer juste après le radar, ils vont se lasser de vivre dans la peur (et les amendes) et peut-être finir par réaliser que c’est quand même vachement moins fatiguant de respecter les limitations de vitesse en permanence…

Je ne dis pas que la vitesse est le principal problème de sécurité routière et j’aimerai vraiment qu’on serre un bon coup la vis sur le reste, comme l’alcoolémie, les distances de sécurité et l’oubli de clignotants. Cependant, c’en est un quand même et c’est le plus facile à contrôler automatiquement, ce serait donc dommage, à mon avis, de s’en priver. La technique du « oui mais lui, c’est pire alors on ferait mieux de me laisser faire mes trucs pas graves » ne fait rien avancer.

Certains avancent que le gouvernement se trompe de combat, que les morts sur la route ne sont que 4 000 par an, et qu’il conviendrait de lutter contre d’autres phénomènes plus meutriers, comme les accidents domestiques, les suicides ou encore le tabagisme. Ils oublient que ces morts là n’ont pas la même tendance à emmener d’autres vies avec la leur.

La vitesse n’est pas forcément un facteur déclenchant, bien que la distance d’arrêt augmente bien plus vite que la vitesse, ce qui entraîne que la fenêtre dangereuse s’agrandit ; mais c’est forcément un facteur aggravant. C’est de la science, de la physique au programme du lycée. Plus un objet se déplace vite, plus l’énergie cinétique à transformer et transférer en cas de choc augmente. La nuit où j’ai eu un accident sur l’autoroute et que ma voiture s’est immobilisée, tous feux éteints, sur la voie de gauche, six autres sont venus s’encastrer de diverses manières dedans et à côté, et ça a fait sept épaves. Personne n’a été tué ni même blessé, et c’est peut-être lié au fait que personne n’est arrivé à 160 dans le tas.

Quant à croire que rouler plus vite aide à lutter contre l’assoupissement parce que “130 km/h sur une autoroute toute droite, c’est soporifique”, c’est faux : rouler plus vite occasionne une consommation énergétique accrue pour le moteur (c’est de la science) mais aussi pour le cerveau qui le contrôle car il est plus stimulé (c’est de la science), et la fatigue arrive plus vite (c’est de la science).

Les utilisateurs qui hurlent à la privation de leurs libertés fondamentales, voire à la dictature, sur le forum Coyote me font rire dans le même sens que le syndicat des taxis qui demandait un permis à points avec plus de points parce qu’ils bossent eux : jaune.
Je lis des arguties du genre “Ce sera plus dangereux de rouler les yeux rivés au compteur” et “À mettre des grands coups de patins devant les radars il va y avoir des accidents” et même venant du PDG de Coyote, « Les 4,7 millions d’utilisateurs de nos systèmes ne sont pas des délinquants mais des contributeurs actifs à la sécurité et à la prévention routière« .

Sérieusement, la mauvaise foi a ses limites aussi. Ce n’est pas bien difficile de se caler à la limitation, même sans régulateur… J’ai jamais pris un flash en dix ans de permis et 100.000 km. Pour autant je ne roule pas les yeux rivés au compteur ou au bas-côté, je ne flippe pas à chaque pont, et je ne change rien à ma vitesse quand je passe devant un radar. Je tiens à rappeler que la limitation de vitesse indique une vitesse maximale. Ce n’est pas interdit d’aller moins vite (la vitesse minimale obligatoire est de 80km/h sur la voie de gauche). Ça permet de regarder la route au lieu du compteur.

Et l’argument du temps perdu ne tient pas non plus. Porte à porte, on ne gagne quasiment rien à rouler à 150 plutôt qu’à 130 sur des trajets de trois heures ou moins (2h06 au lieu de 2h21, sur un Toulouse-Tosse par exemple où la portion autoroutière fait 245 km sur 285). Pour moi, payer cette tranquillité (autant au niveau de la peur du gendarme que du stress routier induit) un quart d’heure, ça le vaut.

Les arguments gouvernementaux utilisés pour justifier la mise en place de ces nouvelles règles empêchant de prévenir des emplacements radars sont en partie fallacieux, c’est sûr. Il n’empêche que je pense que ce sont des règles qui vont dans le bon sens.

Et le jour où je me ferai flasher, si jamais vous m’entendez la ramener comme quoi ces salauds me prennent pour une vache à lait et que y’en a marre de se faire traire par les pompes à fric qui feraient mieux de s’occuper des vrais criminels : moquez-vous de moi.