La rage de la route

La société, les vendeurs de voitures passent leur temps à engrainer dans la tête des gens que voiture = liberté.

Et au final tu prends ta voiture et au moindre grain de sable dans la circulation, tu te retrouves coincé, impuissant.

Not so happy people driving cars, ©Shutterstock

Tu t’arrêtes derrière la voiture de devant qui s’est arrêtée parce qu’un livreur livre, ou y’a un camion poubelle, ou d’autres voitures sont engagées dans un carrefour coincé. Ou alors deux personnes ont cru pouvoir croiser mais en fait non et maintenant elles peuvent plus reculer parce qu’il y a quelqu’un derrière.

Toi t’es coincé, tu peux pas reculer non plus, y’a des gens qui sont arrivés. Tu pourrais prendre à gauche dans vingt mètres… Mais à gauche c’est un sens interdit sauf pour les cyclistes.

Tu pourrais faire demi-tour, mais y’en a un qui a commencé ça trois voitures derrière toi et du coup la voie d’en face est pleine d’autre gens coincés.

À ta droite, sur le trottoir, y’a une mamie avec son cabas qui te dépasse, ça fait déjà trois fois qu’elle te dépasse sur cette rue. Y’a douze vélos qui sont passés, tu les as vu arriver dans ton rétro, tu les vois déjà plus devant.

Tu commences à fantasmer d’avoir des pales sur le toit pour t’arracher, de faire un strike dans ce tas de cons qui t’empêche d’avancer, ah si seulement t’avais un camion comme dans Mad Max.

Tu fais encore dix mètres. Y’a que de la merde à la radio, t’as oublié ta clé USB, c’est chiant. T’éteins la radio, t’entends plus que les klaxons. T’as des crampes à la jambe gauche à force de débrayer.

Encore vingt mètres, y’a enfin le petit raccourci malin qui part à droite, une toute petite rue qui te fait faire un détour mais y’a jamais personne dessus. Tu te jettes dedans, t’accélères, tu roules ENFIN à 40 ! Et t’as même pas atteint 50km/h qu’un petit bâtard d’écolo qui se balade sur son vélo à panier t’a forcé sa priorité au lieu d’attendre que tu passes.

Quel connard.

Il le sait pas, qu’il va moins vite à vélo ?

Et maintenant dans ta petite rue étroite qui était vide, voilà que ce crétin se met à un mètre des voitures stationnées. En plein milieu de la route ! Et toi tu poireautes derrière alors que t’as pas que ça à foutre.

Y’a moyen de le doubler, ça passe, en fait. Bon, c’est pas large mais s’il était pas au milieu, aussi ! Alors tu mets un grand coup d’accélérateur, les roues de gauche presque dans le caniveau, mais pas trop quand même, parce que ce serait chiant de rayer les jantes alu.

Et ce bobo de tes deux, au lieu de se remettre à droite, voilà qu’il gueule ! Ton sang ne fait qu’un tour. Ça fait déjà 40 minutes que t’es parti du boulot, à 5km de là, c’est pas un crétin qui doit même pas avoir le permis qui va t’apprendre à conduire !

Tu vas lui apprendre à partager la route, au cyclo-terroriste : un bon coup de frein, en travers pour le coincer, tu descends de la voiture, et tu défoules toute cette frustration, accumulée depuis des semaines, sur ce petit cycliste qui prend toute la place.

PS : je suis persuadé, quelque part, que la société du tout-voiture et les frustrations qu’elle engendre participe à l’intolérance, au rejet de l’autre, et à l'(extrême-)droitisation de notre société.