168 kilomètres à vélo, ça use, ça use !

Le programme, c’était : une semaine de vacances à vélo et en camping, seul avec les enfants, avec Paul en autonomie sur son propre vélo, avec des sacoches. Les étapes étaient à définir en fonction des capacités et de l’envie de Paul.

Le programme a évolué un peu quand Gaspard s’est mis à savoir faire du vélo un mois et demi avant le départ : j’ai prévu de sangler son 12″ sur la remorque et de le laisser rouler tout son saoûl.

L’itinéraire : le long du Canal Latéral à la Garonne, vers Agen. Je l’ai déjà fait en 2010, mais le Canal du Midi est moins bien pourvu en termes de revêtements, de points de chute et de campings. Cette année, l’aventure n’est pas géographique : exit les paysages inconnus, mais aussi exit les routes à gros trafic, les gros dénivelés et les galères inattendues ! Rouler avec des enfants de six et quatre ans représente déjà une bonne aventure en soi.

La météo : caniculaire. En deux mots, on aurait pu se passer des t-shirts à manches longues, des pulls, des vestes imperméables et du double-toit de la tente. Bah ! Qui est à 5kg près quand la charge est déjà de 65kg (6kg de matelas et sacs de couchages dans les sacoches de Paul, 8kg de vêtements et matériel dans les miennes, la tente sur mes sacoches, et enfin la remorque avec Gaspard, son vélo, la nourriture et courses et les antivols) ?

Samedi 4 juillet : Départ !

Les enfants et leur mère m’ont rejoint juste comme je finissais d’amener les sacoches et le matériel dans le garage. Du coup, quelques photos plus tard et nous étions partis vers les vacances ! Ou plutôt jusqu’à un banc, un kilomètre plus loin, où nous avons rappelé puis attendu Clotilde vu que nous avions oublié de récupérer l’antivol de Paul.

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Passé ce petit délai, nous sommes partis pour de bon. Le long du canal du Midi jusqu’à Ponts-Jumeaux, changement de canal, et jusqu’à Aucamville au kilomètre 14, nous étions en terrain connu étant donné que nous étions déjà allés chez Yann et Betty par là.

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Une petite pause plus tard – les figues « spéciales peps pour cycliste » ont eu du succès – nous étions repartis. La première étape était censée faire 34 kilomètres, c’était la plus grosse pour cause de sortie de l’agglomération toulousaine… Pas de camping intéressant avant. Environ trois heures après le départ, on a pique niqué nos sandwiches jambon/fromage/cornichons vers Castelnau-d’Estrétefonds, à 27 kilomètres de la maison, à peu près là où mon job va déménager dans quelques mois (ce qui m’a légèrement démoralisé pour dans quelques mois) puis nous sommes repartis… sous le soleil de plomb.

Les dix derniers kilomètres passèrent facilement sauf à la fin, où j’ai voulu éviter une départementale et que nous nous sommes retrouvés sur un petit chemin que Google considère carrossable à vélo, mais qui finit, envahi d’herbes folles d’un mètre de haut, par une côte à 6 ou 8%.

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Paul comme moi avons dû pousser les vélos, puis Paul a dû le laisser par terre. J’ai monté le mien puis suis retourné chercher le sien. À ce moment là, le compteur de mon vélo indiquait : 45.6°C. So much pour s’épargner les mauvaises surprises !

Dix minutes plus tard, nous étions devant la réception du camping, la tête sous le robinet. C’est là que j’ai décidé de nous limiter à rouler le matin.

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Le camping de Grisolles était sympa et agréable, avec un bémol pour la piscine hors sol d’1.30 mètres de profondeur où je n’ai que pu faire des petits tours avec les enfants dans les bras, piscine qui de plus était peuplée par un beauf à l’haleine de pastis.

Le soir, Gaspard a oublié l’inertie thermique de l’acier et s’est saisi du camping gaz à peine éteint, se faisant deux petites cloques sur le pouce et l’index – il s’en est bien sorti et moi aussi… Cela servit de leçon pour le reste des vacances…

Comme lors de notre week-end de test, la nuit fut agréable bien qu’on n’aie pas pu se coucher avant 21h à cause de la chaleur.

Gaspard avait voulu pédaler / remonter dans la remorque de multiples fois et cela a un peu entamé notre moyenne et surtout l’enthousiasme de Paul. Les jours suivants, il a pédalé de plus longues distances, en moins de sessions.

Dimanche 5 juillet : Grisolles – Montech

Une petite étape de 18km. Nous avons commencé par replier les sacs de couchage, les matelas et les oreillers, puis la tente. Des rôles ont commencé à se mettre en place : chacun dégonfle son propre oreiller. Papa roule les matelas et sacs de couchage – il faut trop bien serrer pour que les enfants y arrivent. Chacun des enfants démonte l’un des deux arceaux de la tente. Le premier jour, chacun des enfants démonte et remonte un arceau trois fois de suite, ce qui fait qu’ils ne sont pas prêts une fois que j’ai fini de plier la tente. Puis on prend le petit dèj, hors de la tente donc – dedans, lors de notre week-end de test, c’était trop stressant, on décolle vers de nouvelles aventures !

Ce jour là, nous sommes partis avec Gaspard sur son vélo, la route jusqu’au canal étant tranquille.

Deux ou trois kilomètres plus tard, il réintègre la remorque et nous continuons tranquillement. Paul savait déjà boire en roulant – extraction et rangement du bidon compris, il sait maintenant attraper les figues que je lui tends au vol. Arrivés au niveau de Montbartier, je propose un pot dans un café – Montbartier est à un petit kilomètre du canal – mais ça monte et trois cent mètres après être sortis du canal, Paul préfère laisser tomber le pot :).

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Nous arrivons à Montech où se trouve une espèce d’échangeur compliqué entre le canal latéral vers Agen, le canal vers la pente d’eau de Montech, et le canal vers Montauban. Le camping se trouve vers Montauban donc nous bifurquons et arrivons victorieux avant l’heure du déjeuner.

Gaspard a roulé environ 5 kilomètres, en deux fois – au départ puis après la pause.

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La piscine semble grande et belle, le réceptionniste est sympa – il offre une madeleine à chacun des enfants, points bonus immédiats et nous partons nous installer dans notre emplacement 63, rayon « camping nature » aka « pas d’électricité ».

En effet grâce à un système de panneau solaire 7W branché sur une batterie USB, je peux charger la batterie le jour au soleil, et le téléphone la nuit avec la batterie. Je m’empresse de monter la tente à l’ombre comme un newbie, puis nous mangeons nos sandwiches pâté/cornichons, du comté suintant de chaud dont la forme rectangulaire n’est plus qu’un lointain souvenir et une compote.

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Puis nous étendons nos matelas à l’ombre et essayons de faire une sieste bien méritée. En cinq minutes, tout le monde dort pour deux heures. Cela aussi deviendra un rituel.

Car après la sieste, il n’est encore que 15 heures et les ombres sont bien trop courtes pour aller se baigner. Je temporise avec une petite lessive.

Il n’y a pas de PQ au camping de Montech. C’est un peu mesquin quand même surtout quand c’est Gaspard qui s’en rend compte et qu’il faut retourner chercher des mouchoirs à l’emplacement pendant qu’il poireaute sur le pot. Pour ne pas que Gaspard s’inquiète en nous attendant dans cette position peu confortable, j’envoie Paul, qui s’acquitte de sa mission avec brio.

Puis nous partons enfin nous baigner et croisons à la piscine Le Chef (d’après Paul) en train de se fâcher contre des touristes qui parlent étranger, ne comprennent rien et ont gardé leurs chaussures au bord de la piscine.

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Deux heures et demi plus tard, nous quittons la piscine pour manger un bon croque-monsieur/frites au snack du camping. Douche, baignade en attendant que la chaleur retombe un peu, puis nous retournons à l’emplacement pour démonter et remonter la tente qui n’était plus du tout à l’ombre, forcément. Heureusement, comme je ne vois pas l’intérêt de mettre le double toit, il s’agit de trois sardines à déplacer.

Lundi 6 juillet – Montech – Moissac

Moissac étant sur le canal latéral vers Agen, nous commençons par retourner à l’ « échangeur » pour prendre l’autre côté du Y. Cela représente un détour d’environ deux kilomètres extrêmement visible puisque nous commençons par revenir sur nos pas pour ensuite longer une troisième fois le même endroit, de l’autre rive. Du coup, Paul ronchonne que c’est mal fait – ce en quoi il n’a pas tout à fait tort.

Gaspard pédale comme un chef pendant 4 km avant de remonter dans la remorque. Après la pause – calculée pour arriver après la moitié + deux ou trois kilomètres de l’étape, ceci afin de garder le moral des troupes intact – il refera deux kilomètres. Une autre tendance commence à se dégager : Paul commence à s’enquérir de quand-est-ce-qu’on-arrive au bout d’environ quinez kilomètres, et à partir de ce moment, est encore largement capable d’aligner dix bornes dans la bonne humeur.

À part regarder les bateaux et les cyclistes, nous occupons nos étapes avec divers jeux oraux – ni-oui-ni-non par exemple, jeu auquel c’est finalement Gaspard le meilleur ! Nous chantons, aussi, je sifflote des airs que les enfants essaient de reconnaître. On se fait deviner des animaux en répondant oui/non aux questions.

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Plusieurs cyclo-campeurs nous envoient des pouces levés, des félicitations à Paul et à Gaspard lorsqu’il pédale, l’humeur est bonne !

Nous arrivons sans encombre au camping de Moissac, achetons du pâté pour les sandwiches et allons nous installer sur notre emplacement magnifiquement grand et ombragé. Pour autant, j’ai retenu la leçon et nous laissons la tente tranquillement roulée.

Sieste.

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Lessive.

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Piscine. La piscine est super et en plus le camping plein d’enfants. Paul commence à prendre vraiment confiance en lui dans l’eau malgré l’absence de lunettes de natation, que j’ai oublié. Il nage, du bord jusqu’à mes bras au milieu de la piscine. Gaspard joue au bord et s’amuse bien où il a pied, avec quelques excursions vers les grands fonds sur mon dos.

Cela fait trois jours que nous roulons, il nous reste cinq jours. Si l’on avance encore un jour, nous aurons quatre jours aller / quatre jours retour et nous serons obligés de refaire une grosse étape de presque 40km entre Grisolles et Toulouse. Or j’ai prévu une étape surprise chez Bruno et Luce, grand-oncle/grand-tante de Paul et Gaspard, entre Grisolles et la maison. Les enfants sont bien, ils se font des amis, je décide donc d’un jour sans rouler le lendemain. Ils accueillent cette décision avec joie puis accueillent ensuite ma proposition d’apéro avec joie aussi. À l’apéro, Gaspard casse son verre, ce qui le rend très triste. Heureusement le serveur est sympa, il lui remplace son sirop de menthe.

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Mardi 7 juillet – Journée off

On a beau rester à Moissac, le sac de courses est vide. Nous partons donc prendre notre petit déjeuner dans le centre de Moissac. Cela fait moins de cinq kilomètres donc on part en mode léger, chacun sur son vélo, sans sacoches ni remorques. Ça fait bizarre un vélo léger !

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Une fois un distributeur repéré, puis une boulangerie, puis un café, nous nous posons pour un bon petit déj puis repartons faire quelques courses pour les jours suivants, des trucs qui ne craignent pas la chaleur : cake au fruits pour le petit dej ; conserves de tartiflette et de choucroute – choisies par les enfants… pour les soirs ; pommes pour le dessert ; pâté et pain de mie pour les sandwiches.

En ressortant je me dis que j’aurais été plus malin de prendre au moins une sacoche, et nous retournons au camping en laissant le sac plastique cisailler mon poignet gauche. Un petit plouf dans la piscine permit à Paul de faire son premier cours d’aquagym avec quelques mamies.

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Entre temps il est apparu via Strava, l’enregistreur de traces cyclistes à dimension sociale que j’utilise pour frimer avec garder trace de mon kilométrage, qu’il y a à Moissac un copain de forum, David, qu’on invite donc à venir manger son sandwich avec nous entre midi et deux ! Une rencontre bien sympa, bien que courte :)

Une sieste et quelques heures de piscine plus tard, où une brave petite fille de neuf ans a sauvé Gaspard d’une abeille, se faisant piquer à l’occasion – je lui ai enlevé le dard du doigt, la pauvre, c’est bien le moins que j’ai pu faire – nous re-décollons, encore en mode léger, pour une pizzéria à un kilomètre du camping, où nous nous régalons.

Finalement, le jour off sera peut-être la plus grosse étape de Gaspard, qui aura roulé presque sept kilomètres.

Mercredi 8 juillet – Moissac – Montech

Nous voilà repartis sur la route, ou plutôt sur le canal, pour le début du retour. Il y a enfin quelques nuages dans le ciel, ce qui nous gratifie d’une température super agréable. Nous avons même croisé quelques canards se douchant dans une fontaine.

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L’étape s’est passée toute seule. Petit ronchonnement lors du détour de deux kilomètres pour enjamber le canal, et pourtant, j’avais voulu sortir en avance pour prendre une petite route et l’éviter, mais j’ai raté mon coup.

À midi, de retour à Montech, nous avons croisé le Chef du camping qui nous a reconnu et souhaité la bienvenue avec un large sourire. Paul a attendu qu’il soit parti pour dire « Tiens, le chef est de bonne humeur aujourd’hui ! ». Gaspard a demandé une madeleine au réceptionniste.

Nos sandwiches étaient délicieux, à tel point qu’on en a mangé deux… Enfin, presque tous. Paul a englouti le premier et m’en a demandé un autre alors que je commençais à peine le mien après avoir préparé les leurs. Lorsque je lui ai demandé d’attendre que j’ai fini mon premier, il m’a gratifié d’un « Ooooh, pffffff » digne d’un adolescent de treize ans, ce à quoi j’ai répondu que si t’as pas envie d’attendre t’as qu’à te le faire tout seul. Confronté à une couche supplémentaire de râlerie d’ado, j’ai répondu que puisque c’est comme ça t’as qu’à te le faire tout seul tout court. Comme Paul arrive très mal à tartiner du pâté sur du pain de mie, il a beaucoup pleuré cinq minutes puis s’est résolu à manger un sandwich au pain agrémenté de quelques miettes de pâté. Ce fut la seule réprimande que j’ai eu à lui faire des vacances (à mon égard ; j’ai dû arbitrer quelques autres litiges inter-enfantins).

Ce jour là, le Chef nous a averti d’éviter la pataugeoire, trop chlorée, et de rester dans le grand bain. Malgré cela, le lendemain, Paul avait la peau assez sèche. Entre le soleil, le chlore et le savon de Marseille écolo mais pas hydratant pour un sou…

Jeudi 9 juillet – Montech – Grisolles

Cette fois ci, arrivés à Grisolles, nous avons évité le chemin envahi de hautes herbes. La départementale était dotée d’une belle bande latérale sur laquelle nous étions tranquilles. Nous sommes tombés dans un petit embouteillage causé par un guet-apens d’une brigade des Douanes et avons dû patienter quelques minutes en restant derrière une camionnette – je ne voulais pas remonter la file, ni d’un côté ni de l’autre, avec la remorque et Paul à vélo.

À Grisolles, la dame du camping nous a ré-accueilli chaleureusement. Je lui ai racheté du cake aux fruits, des cookies et des pommes pour agrémenter nos repas restants. Son chat a essayé de manger ma tartiflette.

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L’homme au pastis n’était plus là, et dans la piscine où Gaspard est resté assis sur une marche de l’échelle, Paul s’est lancé à faire des « longueurs » de plus en plus grandes vers mes bras.

Garder la surprise de l’étape mystère du lendemain étant de plus en plus difficile, j’ai fini par lâcher aux enfants qu’on allait dans un tout petit camping, le « Camping des Amis », doté de trois emplacements et d’une super piscine. Cela m’a permis un peu de répit.

Vendredi 10 juillet – Grisolles – Gagnac-sur-Garonne

Encore une étape où Gaspard a bien roulé, cinq ou six kilomètres. L’attrait du camping surprise a donné des ailes aux enfants.

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La surprise a extrêmement bien fonctionné, Paul ne flairant le pot aux roses qu’une fois dans la rue de Bruno & Luce – « C’est drôle, on dirait chez Bruno & Luce ! » – « Certes ! »

Arrivés sur place, ils étaient ravis ! D’autant qu’il y avait aussi Sandra et Brice et leurs enfants, Bastien et Nathan, avec qui Paul et Gaspard s’entendent très bien. Une petite ombre, à un moment, est passée sur le visage de Paul qui m’a demandé si on allait quand même dormir dans la tente. La maison étant pleine, c’était le programme, et un grand sourire est revenu sur son visage !

À Gagnac, comme Bastien et Nathan sont un peu plus grand, Paul a sauté la sieste. J’ai couché Gaspard sur un matelas, me suis mis à côté de lui en câlin jusqu’à ce qu’il s’endorme, histoire de lui faire passer le goût amer de cette injustice. Puis je l’ai laissé dormir et ai rejoint les grands en pleine séance de projection des Indestructibles.

Le soir, discutant entre adultes, et laissant les enfants jouer ensemble, nous nous sommes couchés plus tard que d’habitude : 22h et des poussières au lieu de 21h. L’avantage, c’est que le coucher a été facile et l’endormissement immédiat. Et le réveil doux, vers 8 heures comme tous les jours.

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Samedi 11 juillet – Gagnac-sur-Garonne – Toulouse

La dernière étape… Celle qui sent le retour, le terrain connu… Celle où plus l’on se rapproche de Toulouse, moins on entend les oiseaux, et plus on entend la rocade, jusqu’à devoir hausser le ton pour se parler lorsqu’elle finit par longer le canal sur les derniers kilomètres.

Malgré cela, on était contents de la faire. Paul se réjouissait au fur et à mesure qu’il reconnaissait les endroits devant lesquels nous passions. Arrivés devant la maison, il a posé la question dont il brûlait de connaître la réponse depuis longtemps, mais qu’il a malgré tout réussi à garder pour la toute fin : « Alors Papa, combien de kilomètres en tout ? Mille ? »

« Cent soixante huit, bonhomme. »

Et ils étaient fiers et heureux :)

Le reste des photos est là.